L'être humain est adéquat à son destin. Le coach professionnel le sait
Alors qu'il est si commun de penser détenir "la" vérité à propos de telle ou telle situation, que penser de la capacité du coach d'accueillir et respecter la vision de son client et ses aspirations ?
Que penser donc, de la capacité du coach à coacher son client : à l'accompagner dans la conduite de son changement tout en respectant la direction de ce qui est essentiel, pour son client ? À coacher son client en étant convaincu que son client est adéquat à son destin ?
Qu'est-ce qui se joue là, pour le coach ? Est-il, finalement, en capacité de coacher si les valeurs de son client se situent hors du champ de ses propres valeurs ?
Sur quel socle se pose la capacité du coach à coacher son client dans ce respect-là ?
De ce concept * de l'adéquation naturelle de l'être à son destin, découle la co-responsabilité dans toute relation humaine, en tous cas dans la relation de coaching.
L’idée de "l’adéquation naturelle de l’être" aussi bien que la notion de co-responsabilité dans la relation réunissent toutes "les écoles" de coaching en France contemporaine.
Cette idée constitue d’abord une grille de lecture qui permet au coach d’élaborer une posture et une éthique améliorées.
Mais aussi, et surtout, d'être dans la compréhension de ces êtres - adéquats et co-responsables - que sont ses clients.
* SOURCES
Pensée remarquable de Ralph Waldo Emerson (1803-1882) et de Henry David Thoreau (1817-1862) : pour eux, "la personne humaine est adéquate de son destin".
En relation avec ce concept de l'adéquation entre l'être et son destin :
Des extraits et quelques idées auxquelles j'ai été particulièrement sensible suivent ici, d'un article publié dans larevue.mediat-coaching.com par Paul Tracy DANISON : "Une nouvelle vision de la personne" - 1er juillet 2012
L'être humain est adéquat au destin qu'il choisit pour lui-même
Contrairement à Rousseau, Thoreau et Emerson ne voient pas en l’être humain un idéal fini, un être achevé. L’être humain est un "devenir", adéquat à un destin adéquat parce que choisi par lui-même.
L’expression de l’individu, sa capacité d’observer le monde qui l’entoure, d’identifier ses besoins (et donc les besoins des autres), de se connaître et de se mettre en relation, doit se développer (elle n’est jamais finie) chez l’être humain. Comprendre qu’on est adéquat est un acte déterminé, comme tout autre acte.
Etre dans une relation propre à faire sortir cette adéquation est le rôle du coach (et peut être le rôle de tous et chacun).
Pour Emerson et Thoreau, le propre de l’être humain réside dans sa capacité d’apprendre et de s’apprendre, de s’épanouir. En effet, Walden n’est pas, par essence, et comme on le croit le plus souvent, un essai sur la relation de l’être humain au monde naturel, mais une expérience destinée à identifier les besoins qui correspondent à la réalisation de soi.
En allant vivre dans le bois de Walden, Thoreau éprouve la nécessité de connaître ses besoins propres dans un monde complexe.
Cette connaissance permet de construire la solidité intérieure ; sans cette dernière, comment l’individu adéquat peut-il être en mesure d’assumer la co-responsabilité de relation qu’il préconise dans La Désobéissance Civile ** ?
L'être humain est co-responsable dans la relation.
Groupe, communauté, collectif sont le lieu d'expression de l'individualité et de la co-responsabilité dans la relation
La co-responsabilité qui découle de l’approche de Thoreau a son reflet dans les capacités de ceux qui travaillent sur un projet commun, celles qui consistent "à se prendre en charge et à passer dans une dynamique de co-responsabilité", ainsi que l’imagine Vincent Lenhardt dans"Porteurs du sens" :
"C’est à tous et chacun, continue-t-il d’instaurer une instance psychique et relationnelle contribuant à développer sa capacité à se prendre en charge ...".
Or, dans l’optique d’Emerson et Thoreau, « l’instance psychique » est, tout comme la co-responsabilité, innée au fondement de la personne adéquate et l’expression de son destin : elle s’exprime à partir du groupe, de la communauté, enfin… la "team".
Cette dernière, contrairement à « l’équipe », ne serait pas qu’un agrégat d’individus fédéré autour d’une vision commune, mais une expression foncière de la personne humaine.
Par conséquent, la "team-building", par exemple, viserait l’épanouissement individuel tout autant que l’objectif collectif.
Une attitude pragmatique à l'égard de "la vérité"
À la source de l'éthique de la pratique du coaching
Si c’est la pensée de Thoreau et Emerson qui donne du sens au coaching, c’est le pragmatisme, lui aussi pur produit américain inspiré de Self Reliance et Walden, qui le rend applicable au monde réel : le pragmatisme, dont l’œuvre de John Dewey (1859 – 1952), éducateur, et William James (1842 – 1910), psychologue, en sont deux exemples, est plus une attitude qu'un ensemble de dogmes. L'attitude pragmatique conduit à relativiser la notion de vérité. Celle-ci n’est qu’un évènement, une affirmation momentanément et partiellement juste et fiable.
La vérité est nécessairement variable et dépendante de l’avantage qu’elle génère pour ceux qui croient.
La pratique du coach est rendue possible par ce relativisme pragmatique. Du moment qu’il considère son coaché comme adéquat, le coach doit alors considérer la réussite de son action à l’aune de la satisfaction du besoin explicité par le coaché sous forme d’objectif visé.
Il ne peut pas mesurer sa réussite en fonction d’une vérité préétablie et absolue, isolée du contexte de la demande et de l’objectif visé.
En accord fondamental avec ses propres valeurs dans l'exercice de son métier, le coach peut être adéquat avec lui-même. Il peut ainsi rester dans sa posture de coach.
Si le coach fonde l’évaluation de son action sur les résultats obtenus par le client, et sur ce que le client dit lui-même, subjectivement, des résultats obtenus, il est nécessaire que l’objectif visé et les résultats à atteindre aient été clairement identifiés au préalable.
Le coach s’assure ici, pour le client et pour lui-même, des résultats à atteindre mais il s’assure également que les résultats recherchés par le client sont conformes à ses propres valeurs.
Il en va ici pour le coach d’un accord fondamental avec lui-même en tant que personne elle-même adéquate.
Si le coach perd ce repère de l’adéquation avec lui-même dans sa pratique, il fait plus qu’une entorse à l’éthique, il perd sa posture de coach.
** La Désobéissance civile - titre original : Civil Disobedience est un essai de Henry David Thoreau publié en 1849. Thoreau écrit sur le thème de la désobéissance civile en se fondant sur son expérience personnelle.
En , Henry David Thoreau est emprisonné car il a volontairement refusé de payer un impôt à l'État américain. Par ce geste, il entendait protester contre l'esclavage qui régnait alors dans le Sud et la guerre contre le Mexique. Il ne passe qu'une nuit en prison, car sa tante paie la caution, ce qui le rend furieux.
Avec le Discours de la servitude volontaire d'Étienne de La Boétie, La Désobéissance civile est un ouvrage fondateur du concept de désobéissance civile.